Pascal Picq, né le à Bois-Colombes (Hauts-de-Seine), est un paléoanthropologue français. Auteur prolifique sur l'Homme, son origine et son évolution, il a publié de nombreux ouvrages de vulgarisation scientifique.
Pascal Picq est né le à Bois-Colombes. À cette époque, ses parents sont maraîchers. Au début des années 1960, lorsque la banlieue s'urbanise, son père se reconvertit dans le transport routier et sa mère va travailler en usine. Élève peu doué pour les matières classiques et surtout passionné par le sport, il effectue ses études secondaires dans le lycée technique d'Argenteuil et obtient son bac E (Mathématiques et techniques). Il s'oriente initialement vers des études de physique à l'université de Villetaneuse puis à l'université Pierre-et-Marie-Curie.
Au cours de l'année de sa licence, Pascal Picq rencontre les professeurs Bernard Vandermeersch et Yves Coppens, qui le font s'orienter vers la paléoanthropologie. Après un DEA de paléontologie des vertébrés et de paléontologie humaine et avec une thèse sur l'articulation temporo-mandibulaire des hominidés, il obtient son doctorat en 1983.
À l'issue de son doctorat, il rejoint aux États-Unis l'université Duke, où il devient chercheur associé et enseignant en anatomie au Duke University Medical Center (en), sous la houlette de l'anthropologue William Hylander. C'est au cours de son séjour américain qu'il rencontre sa femme.
Pascal Picq rentre en France avec elle et leurs deux premiers enfants en 1991 et devient maître de conférences au Collège de France, attaché à la chaire de Paléoanthropologie et Préhistoire du professeur Yves Coppens, position qu'il occupe de nombreuses années avant de devenir responsable de l'unité de paléoanthropologie et d'anatomie fonctionnelle (UPAF) appartenant à cette chaire. La chaire d'Yves Coppens s'achève en 2005.
Pascal Picq est l'auteur de plusieurs ouvrages et articles scientifiques autour de la question de « Qu'est-ce que l'humain ? », qui est portée comme titre de l'ouvrage co-écrit en 2002 avec Michel Serres. Picq distingue l'Homme, en tant qu'espèce animale, de l'humain en tant que concept philosophique.
Pour Picq, on constate historiquement que l'anthropocentrisme établi avant le XIXe siècle se gâte avec l'émergence des théories évolutionnistes. Elles vont re-traduire la relation de proximité (depuis l'Antiquité obtenue par l'observation visuelle et sa phlogistique conséquente), en une relation de généalogie. Autrement dit, émerge la compréhension nouvelle que l'Homme et le singe ont un ancêtre commun.
Selon Picq, c'est à partir de ce moment, et en grande partie à cause de l'influence de Thomas Huxley et de Charles Darwin, que les chimpanzés et les gorilles se retrouvent classés plus près des hommes que des singes. Il devenait problématique de ne pas créer « une classe à part » pour l'Homme. D'un côté les spécialistes insistent sur un caractère jugé à l'époque exclusivement humain : la bipédie. De l'autre, on s'axe sur les caractéristiques psychologiques ; d'où la classe des Psychozoa créée par Julian Huxley.
Toujours selon Picq : « Ainsi, même dans le cadre des théories modernes de l'évolution, qu'on appelle néodarwinisme ou théorie synthétique de l'évolution - terme inventé par Julian Huxley - et qui domine la pensée évolutionniste entre 1947 et 1977, les évolutionnistes s'efforcent de réserver une place à part à l'homme, étant entendu que si son corps a évolué, il reste que ce qui fait l'humain échappe aux lois de l'évolution. »
À partir des années 1970, et grâce à la systématique moléculaire, on compare le matériel génétique afin d'établir des relations entre les espèces. Depuis l'avènement de la systématisation phylogénique, le classement des espèces ne répond plus à l'idée anthropocentrique, mais en fonction de relation de parenté. Picq affirme en ce sens « Aujourd'hui, la famille des hominidés se compose des grands singes africains : gorilles, chimpanzés, bonobos et humains. C'est tout simplement que nos origines sont africaines. »
Pour Picq, il est clair que le terme « humain » correspond à l'espèce à laquelle nous appartenons. Il tente aussi de dresser un bref portrait de l'éthologie comparée, dans la visée des savoirs actuels.
En découvrant que les plus anciens outils n'ont peut-être pas été produits par l'Homme mais par l'Australopithèque, il a fallu admettre que le premier artisan de la préhistoire n'était peut-être pas un humain. Picq remarque à ce sujet que le statut de premier humain attribué à Homo habilis ne fait pas plus consensus actuellement qu'en 1964.
Des critères tels que ceux-ci, développés dans les écrits de Picq, se retrouvent à la fois chez l'humain et d'autres espèces animales :
Sont spécifiques, si l'on en croit Picq :
Pour Picq, ce ne sont donc pas les critères de la première partie qui définissent le propre de l'homme puisqu'ils sont partagés avec d'autres animaux. Pour répondre à la question du propre de l'humain, Picq défend l'idée selon laquelle les Homo sapiens sont en quête d'humanité : « Les origines de notre espèce Homo sapiens sont certainement africaines et remontent à 200 000 ans. Mais une révolution considérable arrive, portée par certaines populations d'Homo sapiens : la révolution symbolique, avec l'art qui apparaît sous toutes ses formes - musique, gravure, peinture, sculpture, sans oublier les parures et mobilier funéraire. »
Les travaux récents d'écologie comportementale montrent cependant que les éléments que Picq prétend être spécifiques aux humains se retrouvent assez largement dans d'autres espèces, parfois sous des formes un peu différentes. On trouve par exemple des systèmes d'alliances entretenus par des comportements de toilettage chez beaucoup de singes, conduisant dans certaines circonstances (par exemple chez les chimpanzés) à des renversements de dominance qui évoquent fortement les alliances politiques des humains. Le mensonge est présent sous forme de tromperie dont il n'est pas toujours facile de savoir si elle est intentionnelle : ainsi, il n'est pas aisé de déterminer si les animaux qui "font le mort" trompent consciemment leurs prédateurs, mais en revanche il est bien établi que des comportements observés chez des corvidés, consistant à modifier son comportement de cache de ressources, sont bien liés à la conscience d'être observé par un voleur potentiel. La conscience de soi fait l'objet d'une très abondante littérature, et l'idée suivant laquelle les humains seuls en seraient capables n'est pas soutenue par de nombreux travaux : par exemple, beaucoup d'animaux réussissent le test du miroir, surtout si celui-ci est adapté au répertoire sensoriel et comportemental de l'animal. L'équivalent du rire est bien connu chez les grands singes, en particulier en réaction aux chatouilles. Cette sensibilité aux chatouilles avec des manifestations dépendant du répertoire d'expression de l'espèce se retrouve aussi chez les rats (dont le "rire" est constitué d'ultrasons), les chats et les requins. Si l'on définit les pleurs comme l'émission de vocalises de détresse, l'expérience quotidienne montre qu'ils ne sont en rien limités aux humains. L'émission concomitante de larmes sans blessure aux yeux reste en revanche un meilleur candidat pour un trait propre aux humains. La culture cumulative est une autre particularité des humains, même si des cas limités de contributions collectives à un comportement culturel ont été décrits (chez les baleines à bosse en particulier). Il est donc plus raisonnable de ne pas tracer de frontière étanche entre les humains et les animaux non humains (pas de différence qualitative, de nature). Le caractère massif de la culture chez les humains, comparé à des manifestations beaucoup plus limités chez les non humains, représente cependant une différence quantitative, de degré, tout à fait significative.
Par conséquent, pour Picq, l'humain est loin d'être une évidence. Il donne alors sa définition conceptuelle de ce qu'est, selon lui, l'humanité : « C'est une construction de notre psychisme qui s'appuie nécessairement sur un substrat cognitif dont les origines remontent au-delà du dernier ancêtre commun que nous partageons avec le chimpanzé. Au cours de leur évolution, les chimpanzés ne sont pas devenus des hommes ; quant aux hommes, il n'est pas certain qu'ils soient devenus humains. » L'humanité devient alors chez Picq un idéal philosophique qui permet d'affirmer que certains comportements que peut adopter l'humain en tant qu'espèce, puissent être qualifiés d'« inhumains ». L'humain est donc pour Picq, une invention de notre espèce animale.
Ce point de vue s'inclut dans le changement de paradigme considérable qui s'est produit au cours des années 1960 et qui vise à rechercher une définition de l'humain, du genre Homo au sens biologique du terme. D'après les études actuelles dans ce domaine de recherche on peut affirmer que l'humain n'a pas toujours été ou voulu être humain. Picq dit à ce sujet « Je ne pense pas que les premiers humains, quelque part en Afrique vers 3 millions d'années, s'interrogeaient sur leur condition humaine en descendant chaque matin de leur arbre et avant de partir quérir quelques charognes dans les savanes arborées. » C'est donc pour ces raisons et bien d'autres encore que Picq et les paléoanthropologues tentent de distinguer scientifiquement l'humain, en tant qu'espèce animale, de l'humain qui semble davantage être un concept philosophique ; une invention propre à notre espèce. Cette distinction conceptuelle permet aux paléoanthropologues d'étudier l'évolution de notre espèce, en décrivant spécifiquement l'objet de leurs recherches.
Dans Et l'évolution créa la femme (2020), Picq tente une Esquisse d'une préhistoire sociale et silencieuse des femmes, en partant de l'hypothèse (la plus probable) que « les sociétés préhistoriques étaient majoritairement patrilocales, sans être obligatoirement patrilinéaires ni patriarcales » (p.327).
L'analyse part de l'étude comparée des interactions sociales ou systèmes sociaux chez les primates, hominoïdes, hominidés, homininés, et plus exactement de la variété des « modes de coercition sexuelle chez les espèces patrilocales et organisées autour de mâles apparentés » (chez les grands singes) (p. 155), dont one-male group (en) (OMU) et multi-male group (en) (MMU), et l'hypothèse de l'évolution socio-sexuelle des hominidés avec la bipédie.
Pour les humains, il s'agit de déterminer si le dernier ancêtre commun (DAC) est machiste (façon chimpanzé, version Hobbes) ou féministe (façon bonobo, version Rousseau) : « Homo sapiens, un grand singe très coercitif » (p. 173). La coercition contre les femmes pourrait dater du paléolithique moyen (entre 350 000 ans environ avant le présent (AP) et 45 000 ans environ AP, ou avec le début du paléolithique supérieur (vers 45 000 ans AP, avec l'arrivée d’Homo sapiens en Europe. Le mésolithique, grande époque des chasseurs-cueilleurs ou plutôt des chasseurs-collecteurs-pêcheurs (nomades ou semi-nomades), avec mégalithisme et horticulture, peut affirmer des tendances anciennes. Le néolithique, avec l'agriculture et l'élevage, apporte de nouvelles expériences sociales. L'événement climatique de 8200 BP (6 200 avant l'ère chrétienne) provoque un refroidissement généralisé, qui amène des populations du Proche-Orient à migrer vers l'Europe : le grand axe patriarcal (de la domination masculine, p. 372). En découlerait une « dégradation de la condition des femmes dans un contexte d'augmentation généralisée des violences » (p. 371). « Les femmes représentent bien le sexe écologique, reproducteur et producteur » (p. 375).
Il existe une approche importante actuellement qui ne va pas du tout dans la même direction que celle de Picq. Il s'agit de la thèse de la coévolution entre gènes et culture proposée par Edward Osborne Wilson. En effet, selon Picq l'évolution biologique a précédé l'évolution culturelle, tandis que chez Wilson, l'hypothèse centrale est que les comportements sociaux sont, dans toutes les espèces, modelés par la sélection naturelle, y compris la nôtre. Ce que sous-tend cette position, c'est que l'évolution génétique est ce qui permet la culture. Autrement dit, « cela se fait tout seul ». Wilson a une formule slogan qui résume son hypothèse : « Les gènes tiennent la culture en laisse ». La conclusion de Wilson soutient que l'émergence de la culture n'a pas mis un terme à l'évolution biologique de l'humanité, mais qu'au contraire, elle constitue un élément majeur d'une évolution biologique qui se poursuit.
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