Edition limitée dit la rage d'un auteur découvrant à quel point l'édition littéraire a changé et s'intéresse bien davantage au livre comme produit qu'à l'auteur comme créateur de ce livre. Il dit aussi la rage d'un auteur confronté au pouvoir discrétionnaire d'éditeurs/marchands, industriels du roman, de ces romans que l'auteur ne veut plus écrire. Et cette rage, qui emporte tout, devient ici le plus puissant moteur qui soit produisant un texte ravageur et formellement novateur.
Ecrivant ce qu'il écrit ici, et au-delà de la critique radicale de notre mode de vie voué à servir une gigantesque machine économique dominée par les marques les plus connues, Emmanuel Adely parvient à construire quelque chose comme une autobiographie minimaliste d'un contemporain, autobiographie cryptée, chiffrée, au sens de codée, où transparaît encore de l'affect, une opinion, du mouvement, du lien et, pour le dire en un mot, du récit. Ce n'est pas le moindre intérêt de ce texte que de parvenir à recréer un univers éminemment littéraire à partir d'un ticket de caisse.
Il y a des vies : partout, autour de nous, à côté de nous, qu'on croise, qu'on remarque, qu'on ne remarque pas, qu'on devine, qu'on observe, qu'on écoute ou qu'on n'écoute pas, qu'on côtoie, qu'on traverse, qu'on évite. Partout des vies, proches ou différentes, à venir ou accomplies, rêveuses ou nostalgiques. En voici 140, garçons, filles, hommes, femmes, de 12 à 96 ans, d'ici, de Cluses, de Magland, de Nancy-sur-Cluses, des vies écrites par chacun d'entre eux ou presque, des prortraites d'aujourd'hui, des selfies de mots. Ce sont nos cousins, nos tantes, nos neveux, nos enfants : d'aujourd'hui. Ce sont vos vies. Ce sont nos vies. Ce recueil de textes est l'aboutissement de la résidence d'auteur d'Emmanuel Adely sur la commune de Cluses et ses environs. L'auteur est allé à la rencontre des habitants du territoire du 10 octobre 2016 au 22 janvier 2017.
C’est le récit d’une traque. C’est le récit de sa conclusion. C’est le discours d’un héros. C’est la légende de ses guerriers. C’est la geste d’une épopée. C’est un chant. C’est une ballade. C’est factuel. C’est une Iliade dont les dieux seraient la pizza et des hélicoptères.
Peut-on résumer dix ans de vie en restituant dix ans de consommation quotidienne ? Dix ans d'informations ou d'anecdotes parues dans les journaux donnent-ils une image de l'évolution du monde ? Durant une décennie, Emmanuel Adely a, chaque jour, consigné ses achats, et retenu une nouvelle parmi la foule des informations dont nous abreuvent les journaux. Le résultat, intitulé «Je paie», construit une autobiographie minimaliste où nouvelles du monde et consommation journalière trouvent de subtils échos, des jeux de miroir.
Journal intime, critique en creux d'une société qui réduit l'individu à ce qu'il consomme (à moins que la consommation ne soit devenu le dernier refuge de l'intime, le marqueur sociologique ultime), dénonciation des médias qui soumettent l'histoire à l'anecdote, et incroyable objet littéraire, «Je paie» est tout cela à la fois : un puzzle dont chaque jour est une pièce surprenante qui s'emboîte aux autres pour donner un tableau final aussi drôle que désespérant.
«Je paie» est une liste de courses qui se lit comme un roman passionnant.
Ainsi il y a 228 personnes. Il ne s'agit pas de retracer 228 biographies mais d'écrire et d'incarner une mathématique. En cela, Sommes se veut et est une fiction qui entre dans l'unicité du chiffre 1, le premier tracé et peint, et donc un rebond et un écho au travail de Roman Opalka, mais donc aussi un texte de théâtre, et donc aussi un poème, et donc aussi un tombeau : un compte à rebours.
C'est peut-être la proximité contagieuse des ruines romaines qui faisait que la maison s'écroulait à son tour. À l'intérieur, les êtres avaient l'allure d'ombres solides et silencieuses, et très vite je n'ai plus déterminé qui s'effondrait de la femme ou de sa maison. Les murs tenaient par miracle. La femme est tombée. Tout était trop vieux sans doute. Il aurait fallu d'énormes sommes, ça se chiffrait en millions. Alors j'ai été ce qu'ils ont voulu que je sois, une silhouette qu'on habille, un cintre. J'ai tout tenté. J'ai cru repeupler toutes les pièces. J'ai tout fait pour que la femme meure là. J'aurais fait pire si j'avais pu.
Au retour, la nuit, en voiture avec A. et S. qui dormaient, vu un garçon sur un chemin de sable, courir après un break dont le conducteur lui avait fait signe. J’ai ralenti, freiné, observant la scène qui m’a surpris et plu comme une vente aux enchères (...)
genèse est une volonté et une représentation. genèse est un roman. genèse est un sablier dont le goulet d'étranglement est l'espace des temps entre chronologie et plateaux. Mais aussi bien genèse est quadruple puisqu'il peut n'être qu'un de ses deux éléments indépendamment de l'autre. genèse est un tout, un double objet, en ce sens que l'ouvrir par chronologie et le poursuivre par plateaux crée un autre livre que celui qui s'ouvre par plateaux et se poursuit par chronologie. Il s'ouvre par hasard sur la phrase de l'un de ses deux éléments et se poursuit alors. genèse n'a donc pas d'ordre, il ne commence pas par chronologie ou par plateaux il commence. genèse est un système, un projet romanesque, un ensemble qui pourrait se lire simultanément si chacun de nos yeux était indépendant l'un de l'autre, dans l'absolu genèse pourrait se lire exactement au même moment. genèse est un tout
Elle est arrivée tout heureuse cette femme, ici, dans ce nouveau pays, et cet homme-là plutôt que de se remettre en question, il préfère pulvériser cette femme, la torgnoler, et plutôt que de vouloir sauver son couple il fout tout au panier avec l’eau du bain et l’enfant (...)
Après un séjour en Egypte, le narrateur est invité au théâtre par un ami. Critique et agacé, il invective le reste du monde, mais revient sans cesse à son voyage où il pensait retrouver son père mais où il a découvert un frère. Un monologue qui introduit le lecteur dans le désordre des pensées de ce personnage au bord de l'effondrement.
" Je cherche Jeanne Valade, je fais chercher Jeanne Valade, il s'agit de ma mère, on m'a dit que c'est le nom de ma mère, quelqu'un la cherche pour moi, j'ai engagé quelqu'un pour la trouver, ce sont des gens dont c'est le métier, qui ont des connaissances dans la police, dans l'administration, qui peuvent retrouver des dossiers, ils savent contourner des secrets, ce sont des démarches qu'ils maîtrisent parfaitement, par exemple ils ont retrouvé le père de François Truffaut m'ont-ils dit, ..."
C’est le récit d’une traque. C’est le récit de sa conclusion. C’est le discours d’un héros. C’est la légende de ses guerriers. C’est la geste d’une épopée. C’est un chant. C’est une ballade. C’est factuel. C’est une Iliade dont les dieux seraient la pizza et des hélicoptères.